Dans le cadre du Cycle de séminaires "Trajectoires de Santé" 2018/2019 la SFR Santé et Société et le laboratoire PACTE/équipe « Régulations » invite Ingrid Voléry (PR Sociologie, 2L2S, Université de Lorraine, Nancy)  et Lætitia Lamongie (Doctorante, 2L2S, Université de Lorraine, Nancy) pour un séminaire le 14 décembre 2018 intitulé "Devenir insuffisant" : carrière de malade et mesures de soi dans les situations d'insuffisance cardiaque".

 

Nous nous proposons de mettre la question des trajectoires de santé, au cœur du séminaire du laboratoire PACTE, à l’épreuve d’un terrain tout juste engagé sur l’insuffisance cardiaque : du point de vue des catégorisations médicales, des pratiques des médecins et des pratiques et expériences des patients comme de leur entourage. L’angle d’entrée y est plutôt celui de la sociologie/anthropologie des catégorisations émiques et étiques de la maladie et des cultures matérielles. A partir d’entretiens et d’observations ethnographiques menés en Lorraine, nous portons une attention particulière aux manières dont les corps sont enchâssés dans des configurations techniques et relationnelles qui leur donnent sens et à comment les patients élaborent des modes de mesure complexe de transformations corporelles, parfois assimilées à des maux.

Pour cette intervention, nous nous centrerons cependant plutôt sur les modes d’entrée (ou de non-entrée) dans la carrière d’insuffisant cardiaque car ce terrain met en jeu plusieurs instabilités catégorielles (médicales, d’expériences corporelles des patients) qui permettent de re-questionner la notion.

Du côté des catégorisations médicales, l’insuffisance cardiaque est parfois assimilée à une incapacité du cœur à fonctionner, à une maladie chronique, ou à un « syndrome clinique complexe » (selon la Haute Autorité de Santé dans un guide de parcours de soins en 2014). Dans les pratiques des cardiologues et des médecins généralistes, elle recouvre, en effet, différents tableaux cliniques et elle est reliée à diverses étiologies (mort subite inexpliquée, conséquence de maladies génétiques ou de dysfonctions non pas organiques mais électriques ou fonctionnelles du coeur, conséquences enfin d’hypertensions installées dans la durée, etc.).
 
A cette instabilité des catégorisations médicales fait écho une diversité à la fois des manières d’entrer dans la carrière d’insuffisant cardiaque, mais aussi, des expériences corporelles des patients. La plupart du temps, ils ont été confrontés à un arrêt cardiaque brutal mais celui-ci sera vécu différemment selon le diagnostic posé et la reconstruction de l’évènement, toujours opérée dans le cadre de relations tissées entre le patient, les médecins, son entourage et des objets de mesure. Certains l’assimileront à un accident, d’autres à une maladie chronique (lorsque l’accident est imputé à une maladie génétique qui revisite bien souvent les liens de parenté). D’autres encore peineront à se sentir malade en l’absence d’explications médicales (se vivre comme « un petit dossier »).

Ces différences d’entrée (ou de non entrée) dans la carrière d’insuffisant apposent une marque profonde tant sur les rapports entretenus avec son corps que sur les modes de surveillance développés seuls, en alliance avec l’entourage ou avec les médecins– se surveiller pour se réparer dans le cas de ceux se vivant comme des accidentés cardiaques, se surveiller pour contenir les symptômes d’une maladie chronique ou ne pas se surveiller.

Après avoir présenté ces différentes expériences dans leurs convergences et dissonances, nous conclurons sur une réflexion plus théorique concernant le champ de pertinence de la notion de carrière (sa mise en tension avec d’autres manières de penser le temps après l’accident cardiaque) et la place que la matérialité corporelle y occupe (les expériences corporelles, les types d’altération etc.).
 
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