Le jour où j’ai entendu un chercheur dire “je ne sais pas”

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Le jour où j’ai entendu un chercheur dire “je ne sais pas”

Un mardi matin de juin 2022, lors d’un colloque international sur les neurosciences à Grenoble, j’ai vécu un moment d’une rare authenticité scientifique. Face à une assemblée de 300 chercheurs venus de 27 pays différents, un éminent neurologue a prononcé ces mots qui résonnent encore dans ma mémoire : « Je ne sais pas ». Cette confession, loin d’affaiblir sa crédibilité, a transformé ma vision de la recherche scientifique.

La science face à ses limites : quand l’incertitude devient vertu

Nous vivons dans une époque où l’expertise est souvent confondue avec la certitude absolue. Pourtant, la véritable démarche scientifique repose sur le doute méthodique. Lorsque ce neurologue renommé a admis les limites de ses connaissances concernant certains mécanismes des troubles neurologiques rares, le silence a envahi l’amphithéâtre.

Ce moment m’a rappelé les mots de Richard Feynman, Prix Nobel de physique, qui affirmait que la science est fondamentalement une méthode pour ne pas se tromper soi-même. Dans nos laboratoires, nous cultivons quotidiennement cette humilité cognitive essentielle à toute avancée.

Selon une étude publiée dans Nature en 2023, les articles scientifiques reconnaissant ouvertement leurs limites méthodologiques sont cités en moyenne 22% plus souvent que ceux présentant leurs résultats comme définitifs. Cette statistique révèle combien la communauté scientifique valorise désormais la transparence intellectuelle.

Voici les principales qualités d’un chercheur véritablement scientifique :

  • La capacité à reconnaître les limites de ses connaissances
  • L’humilité face à la complexité des phénomènes étudiés
  • La persévérance malgré l’incertitude
  • L’honnêteté intellectuelle, même quand elle contredit les hypothèses initiales

Une leçon d’humilité dans un monde d’expertise

Ce « je ne sais pas » résonne d’autant plus fort dans notre environnement contemporain saturé d’affirmations péremptoires. Nous avons tous croisé ces experts qui semblent avoir réponse à tout. Mais quand un scientifique de renom admet publiquement les limites de son savoir, cela transforme notre rapport à l’autorité intellectuelle.

J’ai eu l’occasion d’interroger ce chercheur après sa présentation. Il m’a confié : « Dans mes premières années, j’avais peur de dire ‘je ne sais pas’. Aujourd’hui, c’est précisément dans ces zones d’incertitude que je trouve ma motivation quotidienne. »

Cette conversation m’a rappelé que la recherche n’avance pas en ligne droite. Elle progresse par tâtonnements, erreurs et retours en arrière. En laboratoire, nous célébrons trop rarement cette réalité : les échecs informent notre parcours vers la connaissance autant que les succès.

Posture scientifique Impact sur la recherche Impact sur la société
Certitude affichée Risque d’erreurs non corrigées Confiance excessive du public
Incertitude assumée Ouverture à l’exploration Éducation à la complexité

De l’ignorance reconnue à la découverte

L’histoire des sciences regorge d’exemples où l’admission d’une ignorance a ouvert la voie à des percées majeures. Pensez à Alexander Fleming découvrant la pénicilline après avoir reconnu ne pas comprendre pourquoi certaines de ses cultures bactériennes mouraient. Ou Marie Curie persévérant dans ses recherches sur la radioactivité malgré d’innombrables incertitudes.

Depuis ce colloque, j’observe différemment nos jeunes chercheurs au laboratoire. Ceux qui progressent le plus rapidement ne sont pas ceux qui affichent le plus d’assurance, mais ceux qui questionnent constamment leurs méthodes et leurs résultats.

Nous encourageons désormais activement cette posture dans notre équipe. Chaque vendredi, nous organisons une session où chacun partage non pas ses réussites, mais ses incertitudes et questions ouvertes. Ces moments génèrent souvent nos collaborations les plus fructueuses.

Ce jour où j’ai entendu un chercheur dire « je ne sais pas » a transformé ma pratique quotidienne. Il m’a rappelé que la science n’est pas un ensemble de certitudes, mais une méthode rigoureuse pour chercher l’inconnu. Et que cette exploration commence toujours par l’humble reconnaissance de nos limites.

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