De nombreuses études scientifiques récentes ont mis au jour des  relations étroites entre capacités de  perception et capacités  d'action. Par exemple, pour une ballerine, assister à un ballet  n'active pas les mêmes aires cérébrales que pour quelqu'un qui ne sait  pas danser : bien que la ballerine soit assise confortablement et  immobile, ses aires motrices s'activent. De la même manière, la lecture d'une lettre manuscrite active les aires motrices, alors qu'un symbole qui lui ressemble, mais n'est pas habituellement tracé, ne les active pas.

Quel peut être le rôle de ces activations ? Dans le cerveau, comment  les connaissances motrices influent sur le processus de perception ?  Ce sont les questions que se sont posées une équipe de modélisateurs des laboratoires du Pôle Grenoble Cognition (Estelle Gilet et Pierre  Bessière du LIG/CNRS et Julien Diard du LPNC/CNRS-UPMF). Prenant pour  cadre la reconnaissance et le tracé des lettres manuscrites, un modèle mathématique complet de la boucle perception-action a été développé.  Il se base sur le formalisme Bayésien : au coeur du modèle, des  distributions de probabilités représentent les lettres, leur  perception et leur production.

Grâce à la réalisation informatique de ce modèle, on a pu ainsi  étudier les mécanismes qui permettent aux connaissances motrices  
d'influer sur la perception. La simulation interne des gestes, c'est-à-dire la préparation du geste, mais sans sa réalisation, est un de ces  
mécanismes. L'étude permet de plus de clarifier certains débats  théoriques : on montre que la simulation interne ne permet pas  
toujours d'améliorer les performances. Par exemple, lorsque la  situation sensorielle est aisée, elle n'apporte rien. En revanche,  
dans le cas des stimulis difficiles, là où la perception seule serait défaillante, la simulation des gestes ajoute mathématiquement  
l'information manquante.

Ainsi, même pour la ballerine, reconnaître une pointe est assurément aisé et rapide ; en revanche, il lui est peut-être possible  
d'apprécier pleinement la réalisation de pas de danses techniquement alambiqués grâce au fait qu'elle sait, elle aussi, réaliser ces  
mouvements.