Toucher des formes nouvelles (des lettres japonaises) en relief aide les adultes à mieux apprendre à associer arbitrairement des stimuli perçus par différents sens, comme c’est le cas par exemple pour apprendre à lire. En effet, pour lire (décoder) des mots nouveaux, nous devons apprendre à associer un stimulus visuel (une lettre ou un graphème) et à son stimulus auditif correspondant (le son ou le phonème). C’est ce que viennent de montrer l’équipe d’Edouard Gentraz, chercheur CNRS au laboratoire de Psychologie et Neurocognition de Grenoble (CNRS/Université Grenoble 2). Ces résultats, publiés dans le numéro de mars de la revue PloS One, devraient permettent d’améliorer les méthodes destinés à favoriser l’apprentissage de la lecture aussi bien chez les enfants qui apprennent à lire que les adultes qui apprennent une langue étrangère.

Les chercheurs ont deux comparé deux méthodes d’apprentissages dans lesquelles à trente adultes francophones d’apprendre 15 stimuli visuels nouveaux (les lettres japonaises ; voir figure 1) et leurs 15 sons correspondants (des stimuli auditifs nouveaux n’ayant aucune signification). Les deux méthodes d’apprentissage (15 adultes dans chaque groupe) se différencient par les sens impliqués pour explorer les stimuli visuels. La première, « classique », sollicite uniquement la vision ; la seconde « multisensorielle », en plus de la vision, fait appel au toucher pour percevoir les stimuli visuels (figure 2). Après la phase d’apprentissage, les chercheurs ont mesuré les performances de chaque adulte à l’aide de différents tests. Les deux premiers tests mesurent respectivement la capacité d’apprentissage des stimuli visuels et auditifs à travers des tests reconnaissances (test visuel : 1 cible visuelle à reconnaitre parmi 5 autres stimuli visuels nouveaux ; test auditif ; 1 son cible à reconnaître parmi 5 autres sons nouveaux). Les résultats, largement supérieur au hasard, montrent que tous les participants ont bien appris les stimuli visuels et les stimuli auditifs, et ce, de manière similaire après les deux méthodes. Les deux autres tests mesurent les capacités à apprendre les associations entre les stimuli visuels et les stimuli auditifs. Dans le test « visuo-auditif », on présente un stimulus visuel et le sujet doit reconnaître son son correspondant parmi 5 autres sons et dans le test « audio-visuel » c’est l’inverse. Les résultats révèlent que les sujets sont capables d’apprendre ces associations avec les deux méthodes d’apprentissage mais les performances sont meilleures après un apprentissage multisensoriel. De plus, les chercheurs ont proposé les mêmes tests une semaine après la phase d’apprentissage et ont retrouvé des effets similaires.
En conclusions, ces études montrent les adultes apprennent plus efficacement des associations arbitraires entre des stimuli auditifs et visuels nouveaux lorsque les stimuli visuels sont explorés à la fois par la vision et le toucher. Ces résultats corroborent des résultats observés chez les jeunes enfants (cf. ancien communiqué de presse sur ce sujet). Les chercheurs expliquent ces résultats par les propriétés spécifiques du toucher et du sens haptique manuel : il jouerait un rôle de « ciment » entre la vision et l’audition, favorisant ainsi la connexion entre ces sens.

 

Références :

Fredembach, B., Boisferon, A. et Gentaz, E. (sous presse). Learning of arbitrary association betwenn visual and auditory novel stimuli in adults : the « bond effect » of haptic exploration. PloS One.

Gentaz, E. (2009). La main, le cerveau et le toucher. Apprendre neurocognitive du sens haptique et des apprentissages. Paris : Dunod

 

Figure 1 : exemple de deux stimuli visuels

 


Figure : 2 : exemple d’un sujet en phase d’apprentissage multisensoriel